Reconnue par le monde entier comme une icône inspirante et influente, Nemonte Nenquimo, leader du peuple waorani d’Equateur qui se bat contre l’exploitation pétrolière pour préserver sa forêt, est sans conteste la femme de l’année. Elle vient de recevoir, au même titre que 5 autres activistes, le Prix Goldman 2020 de l’environnement (équivalent du Nobel). Portrait de cette femme d’exception.
Nemonte Nenquimo, l’emblème de la lutte pour les droits des natifs
Nemonte Nenquimo fait partie du peuple Waorani, composé de 4 800 personnes et propriétaire de 800 000 hectares de forêt dans les états de Pastaza, Napo et Orellana, en Équateur. Parmi ces 800 000 hectares, seuls 180 000 sont encore vierges, soit 1% du territoire équatorien. Soit un paradis encore inviolé.
Certes, la loi équatorienne reconnaît bien les droits de propriété des Waorani sur la forêt. Mais l’État conserve assez paradoxalement les droits d’exploitation du sous-sol pour le pétrole, pilier de l’économie équatorienne. Or, une partie de ce 1% encore vierge devait intégrer un bloc pétrolier. Une large parcelle que le gouvernement équatorienne souhaitait soumettre à un appel d’offre d’exploitation.
Nemonte Nenquimo a grandi dans le village de Nemonpare, sur le río Curaray, affluent de l’Amazonie à la frontière avec le Pérou. Pile dans cette province de Pastaza menacée par les concessions à venir. Et pour que l’exploitation pétrolière ne souille pas son paradis et la terre de ses ancêtres, elle a choisi l’organisation, l’information et la mobilisation .
Nemonte Nenquimo, l’organisatrice
Pour défendre ses terres ancestrales contre l’exploitation minière, elle co-fonde en 2015 l’ONG Alianza Ceibo. Cette dernière permet de cimenter les alliances entre villages et de former les différentes communautés au droit et à la communication.
Trois ans plus tard, elle devient à 32 ans la première femme présidente du Conseil Waorani de la province de Pastaza.
Pour elle, qui clame que « sans territoire, sans forêt, nous n’existerions pas comme Indiens », le temps de la mobilisation et de l’action est venu. Et le vent qui va l’accompagner va souffler très fort…
Consciente que « tout ce que nous défendons, ce n’est pas seulement pour le peuple, car ce qui donne de l’air pur au monde, c’est la forêt », elle va contribuer à déclencher une mobilisation sans précédent.
Une mobilisation à l’écho international
La mobilisation débute par un projet de cartographie communautaire. Mené avec l’aide de deux ONG, il permet à Nemonte Nemquino de répertorier plus de 200 000 hectares inclus dans le territoire Waorani, regroupant 16 communautés. De même, ces cartes permettent aux Waorani d’exposer la biodiversité menacée par la future exploitation pétrolière.
Puis, Nemonte Nemquino réussit le tour de force de réunir et d’organiser les communautés Waorani. Par le biais d’assemblées régionales et de débats avec les chefs de village, elle les aide à s’organiser et à développer encore leur indépendance.
Enfin, elle amène les Waorani à attaquer le gouvernement sur son terrain : la communication et le droit. Elle lance donc une campagne numérique avec le slogan « Notre forêt n’est pas à vendre ». Elle y invective les investisseurs potentiels et donne une dimension continentale puis internationale au combat des Waorani.
Un combat judiciaire au verdict historique
Enfin, elle lance sa communauté dans une bataille judiciaire contre le gouvernement équatorien pour préserver la terre de son peuple. Elle dénonce « une violation du droit des Waorani à un consentement libre préalable et éclairé ». Nemonte prend la tête de la délégation Waorani qui se rend à Quito pour assister au procès et offre un écho encore plus retentissant à son combat.
Dans la foulée, elle diffuse une pétition pour dénoncer l’industrie pétrolière. A la fin de la campagne, elle adresse ainsi au gouvernement équatorien une pétition signée par près de 400 000 personnes de par le monde.
En avril 2019, Nemonte Nenquimo et les Waorani remportent une victoire historique. Ce jour-là, la justice équatorienne interdit l’exploitation pétrolière dans la zone vierge du territoire waorani. Une décision confirmée ensuite par la cour d’appel de juillet 2019. Ce qui entraîne une jurisprudence qui protège maintenant d’une « obligation d’obtention d’un consentement libre, préalable et éclairé toutes les communautés indigènes en Équateur ».
Mais pour elle, d’autres combats sont encore à mener. Et aujourd’hui, elle se démène pour protéger et isoler sa communauté de l’épidémie de COVID-19…
Une grande cheffe est née, et rien ne pourra plus l’arrêter de défendre les siens.
La volonté de léguer à sa fille un paradis préservé
Une grande partie de son engagement et de ses actes est mue par sa volonté de laisser à sa fille, ainsi qu’aux générations suivantes, ce paradis préservé qui appartient à son peuple, que la terre nourricière leur a offert.
« La terre est le seul héritage à léguer » confiait-elle à l’AFP, en espérant que sa file de 5 ans « pourra vivre dans une forêt verte, pleine d’animaux, de médicaments ancestraux, pleine de joie et de liberté. »
Une reconnaissance mondiale pour l’icône de la lutte
Si Nemonte Nenquimo vient donc de rejoindre les 5 autres lauréats du Prix Goldman 2020 (équivalent d’un prix Nobel de l’environnement qui n’existe malheureusement pas), aux côtés de la française Lucie Pinson ou de la mexicaine Leydy Araceli Pech Martin, elle a déjà reçu les honneurs du Time et de la BBC, plus tôt dans l’année.
En effet, le magazine américain la nommait en septembre dans sa prestigieuse liste des 100 personnes les plus influentes au monde en 2020 (avec un portrait rédigé par Leonardo Di Caprio, excusez du peu). Quand le géant britannique des médias l’intégrait dans sa liste des 100 femmes les plus influentes et les plus inspirantes de l’année !
Une reconnaissance internationale qui, nous l’espérons de tout coeur, permettra à cette femme d’exception de faire encore un peu plus porter sa voix et sensibiliser le monde entier à la cause des Waorani.
En tous cas, elle est pour nous la femme de l’année. Et sans doute des prochaines tant sa lutte contribue à construire un monde meilleur.