On a longtemps reproché souvent aux joueurs de football, icônes adulées de notre temps jouissant d’une notoriété boostée aux réseaux sociaux, de vivre « dans un autre monde ». De rester murés dans leur tour d’ivoire. Mais cela s’avère de moins en moins vrai. En témoignent les récentes prises de position de joueurs comme Antoine Griezmann ou Benjamin Mendy.
L’image trompeuse d’un football français déconnecté de la société
Il y a quelques semaines, nous évoquions le cas exemplaire du footballeur anglais Marcus Rashford qui, non content de mettre sa notoriété au service de la lutte contre la précarité des enfants, montait même au créneau pour faire plier le parlement britannique pour qu’il poursuive les aides.
A cette occasion, l’excellent magazine France Football consacrait un article à « Les joueurs français devraient-ils davantage s’impliquer socialement ? ». Il y pointait du doigt l’image du footballeur professionnel français privilégié, déconnecté des réalités par des émoluments hors normes, et regrettait une trop grand discrétion dans la vie politique et sociale de leur pays.
Mais ce cliché, déjà erroné, a pris encore un peu plus de plomb dans l’aile avec les récentes prises de position de stars qui ont mis leur notoriété et leur poids sur les médias sociaux (Facebook, Instagram, Twitter) au service d’une cause, souvent politique.
Antoine Griezmann, le premier de cordée du football français
Le Maconnais, joueur du FC Barcelone et fer de lance de l’équipe de France, est ce que l’on appelle une star du football mondial.
Pesant 47,2 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux (8,1 millions sur Facebook, 7,5 millions d’abonnés sur Twitter et 31,6 millions d’abonnés sur Instagram), il n’hésite plus, depuis quelques temps, à s’engager socialement et politiquement.
Déjà, en mai 2019, il faisait la couverture du magazine LGBT Têtu pour dénoncer l’homophobie dans les stades de foot, un acte fort dans un milieu plutôt viril et macho.
Tout récemment, il se fendait d’un tweet destiné au Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, où il écrivait « J’ai mal à ma France » suite au passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler par les forces de l’ordre.
Enfin, le 10 décembre, il annonçait dans un post Insta (liké à ce jour 755 000 fois !) mettre unilatéralement un terme à son rôle d’ambassadeur de la marque chinoise de téléphonie Huawei. La raison ? La participation suspectée de la marque à la répression de la minorité musulmane ouïgoure, par le biais de la création d’un logiciel de reconnaissance faciale. Une rupture de contrat qui va sans doute entraîner une forte perte de recettes publicitaires pour le joueur. Pas de conscience politique les joueurs français ? Son coéquipier argentin au FC Barcelone et megastar interplanétaire, Lionel Messi, jouit également d’un contrat avec Huawei évalué à 5 millions d’euros par an… Et il n’a pour l’heure pas encore fait connaître sa position !
Mais s’il est incontestablement le premier de cordée des joueurs français à peser de tout son poids pour éveiller la société et sa communauté à certaines questions, Antoine Griezmann n’est plus le seul, et cela fait du bien !
Benjamin Mendy s’engage avec Sea Cleaners dans la lutte contre la pollution plastique des océans
Le joueur français de Manchester City, passé par l’Olympique de Marseille ou Monaco, a choisi de mettre sa notoriété au service de Sea Cleaners, l’ONG du navigateur Yvan Bourgnon. Même s’il n’a pas le même poids Social Media qu’Antoine Griezmann, il est ainsi devenu ambassadeur de la lutte contre la pollution plastique dans les océans.
Fort de son impact sur les 1,4 millions de jeunes qui le suivent sur son compte Twitter, il intègrera ainsi le pôle pédagogique de Sea Cleaners pour « attirer l’attention des plus jeunes et encourager un changement durable des comportements pour réduire la pollution des océans ».
Dans le même communiqué de presse de l’ONG, le joueur déclarait que « si avec Sea Cleaners je peux interpeller les jeunes, leur faire passer les bons messages et qu’ils les retiennent c’est parfait ».
PSG – Basaksehir, match 0 dans la lutte contre le racisme dans les stades
Un autre exemple, spectaculaire et collectif cette fois-ci, est venu montrer à quel point les « millionnaires du football » pouvaient sans doute changer la société.
Le racisme dans les stades est un mal séculaire, faisant même pour certains ultras d’extrême-droite « partie du folklore ». Cris de singe quand un joueur de couleur touche le ballon, jets de bananes sur le terrain, on en passe et des meilleures.
Si l’on n’a jamais vraiment trouvé la parade face à ces comportements (souvent par lâcheté), ce sont sans doute les joueurs qui ont apporté la plus belle des réponses. Et pas des moindres. Et, encore une fois, des joueurs français étaient à la tête du mouvement, dont le petit prodige et déjà megastar Kylian Mbappé. Déjà très impliqué auprès des enfants malades et dans la lutte contre le racisme, le joueur du PSG avait été très actif sur les réseaux sociaux après l’agression de Michel Zecler, avec plus de 1,3 millions de personnes touchées.
Mardi 8 décembre, et suite à un incident impliquant un arbitre du match ayant proféré des paroles racistes sur sa couleur de peau à l’un des dirigeants du club turc, alors opposé au PSG, Mbappé a fait partie de ceux qui ont encouragé l’ensemble des acteurs du match à arrêter de jouer et à quitter la pelouse. Un acte fort, inédit, à l’impact indéniable, et qui fera date. Un geste collectif et solidaire qu’il a longuement commenté ensuite sur ses réseaux sociaux, auprès de ses 54 millions de followers (suiveurs) ! Pas besoin de dessin quant à l’impact de cette prise de position exemplaire auprès des jeunes…
Des engagements plus nombreux qu’on ne croit
Mais si ces exemples restent emblématiques du fait du poids des personnalités qui les portent, et du fait qu’ils commencent à intervenir dans le champ politique, ils ne sont pas isolés. Par exemple, des internationaux français comme Blaise Matuidi, Corentin Tolisso, Florian Thauvin, Olivier Giroud, N’Golo Kanté, les joueuses Amel Majri et Eugénie Le Sommer, se sont beaucoup investis dans des actions auprès des enfants malades, contre le harcèlement à l’école et bien d’autres encore. Ils sont pour ceux qu’ils défendent de véritables idoles, sources de réconfort et de combativité contre l’adversité et la maladie. Et deviennent pour les autres des exemples à suivre.
Si l’on accuse souvent les joueurs de football de manquer de conscience politique, c’est donc à tort. Et il n’a pas fallu attendre les générations Y (née entre 1980 et 1997) et Z (née entre 1997 et 2010) pour que les joueurs s’impliquent dans la communauté. Mais leurs prises de position n’avaient pas alors la caisse de résonance que sont les réseaux sociaux et, quand ils intervenaient sur le champ politique, c’était jusqu’à maintenant une fois leur carrière terminée.
Des engagement qui ne datent pas d’hier
C’est le cas de Lilian Thuram et de Thierry Henry, par exemple, qui ont créé leurs propres fondations pour lutter et éduquer contre le racisme, ou encore favoriser l’égalité des chances. N’oublions pas Eric Cantona qui , après s’être associé à la Fondation Abbé Pierre en 2012, a défendu un certain nombre de causes anti-libérales. Il en va de même pour Vikash Dhorasso qui, à la fin de sa carrière, s’est lancé dans la politique en soutenant la Gauche puis la France Insoumise dont il a même été un candidat lors des dernières municipales. Pour un ancien footballeur professionnel, si ce n’est pas avoir une conscience politique… On peut également citer l’ancien gardien de but des deux « Olympique » (Lyonnais et de Marseille), Pascal Olmeta, qui créait en 2006 l’association « Un sourire un espoir pour la vie » pour venir en aide aux enfants malades et à leurs familles.
Enfin, nous terminerons cette floppée d’exemple par l’immense Zinedine Zidane qui, en 2000 (et 6 ans avant l’arrêt de sa carrière) devenait ambassadeur (qu’il est toujours !) de l’association ELA dans la lutte contre la leucodystrophie.
Si vous voulez avoir une petite idée de l’investissement des footballeurs engagés dans la vie de la communauté, nous ne pouvons que vous conseiller d’aller jeter un oeil aux actions en cours sur le très bon site Positive Football qui répertorie une partie des actions que les joueurs entreprennent, pour rendre à la communauté une partie de ce qu’ils ont reçu.
Superstars des terrains et des réseaux sociaux, ils peuvent indéniablement contribuer à construire un monde meilleur pour tous.