Représentatif d’une aviation civile qui veut se racheter une conduite environnementale et oeuvre en ce sens, le groupe Air France – KLM vient fièrement d’annoncer avoir réalisé un premier vol long courrier Paris – Montréal au biocarburant.
Le transport aérien dans l’oeil du cyclone environnemental
Le déconfinement est en cours et nous espérons bientôt pouvoir voyager à nouveau. Mais plus n’importe comment…
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, depuis un an et demi, les voyages aériens ont pris du plomb dans l’aile.
En effet, les confinements mondiaux et l’arrêt brutal du tourisme ont permis de constater l’impact ahurissant de l’aviation commerciale sur l’environnement.
Comme pour beaucoup d’activités humaines mises en suspens pendant l’épidémie mondiale, l’effondrement du trafic aérien a permis de déterminer l’impact nocif de celui-ci sur la pollution atmosphérique.
Ainsi, selon l’ONU, entre janvier et novembre 2020, les émissions de CO2 ont baissé de 56,7% alors que le trafic aérien chutait de 55%. Une baisse spectaculaire qui a plus particulièrement touché les vols long courrier.
Air France : un premier vol long courrier au biocarburant pour se donner un peu d’air
De fait, il est incontestable que l’aviation, qui représentait entre 2 et 3 % des émissions de CO2 avant la pandémie, a été doublement frappée par l’épidémie de COVID-19.
D’un point de vue économique tout d’abord (et les États ont du mettre la main à la poche pour garder les compagnies à flot), mais aussi d’un point de vue médiatique.
Et les mêmes États qui sont venus en aide aux compagnies exigent maintenant d’elles un effort conséquent en matière d’éco-responsabilité. Le volume du trafic aérien doublant tous les 15 ans, accompagné d’une augmentation de 7% par an de la consommation de kérozène, il était grand temps de faire quelque chose…
C’est pourquoi les constructeurs et les compagnies ont rapidement redoublé d’efforts pour trouver de nouvelles solutions plus « écologiques ». Et le carburant est bien souvent au coeur de toutes les recherches. Le kérozène étant responsable de la production du dioxyde de carbone (CO2), plusieurs solutions sont d’ores et déjà en cours de développement. Avions électriques, à énergie solaire ou à hydrogène, ça carbure fort chez les constructeurs pour trouver LA solution.
C’est pourquoi l’annonce de la compagnie Air France -KLM de son premier vol long courrier Paris – Montréal au biocarburant partiel (16% du total de carburant) a fait briller une lueur d’espoir pour l’aviation civile. Celle d’un carburant « bio » qui pourrait, à terme, largement éclaircir les cieux de la planète.
Air France utilise un carburant bio, 100% français, développé par Total
Ce carburant miracle est produit par Total, à partir d’huiles de cuisson usagées et retraitées dans sa bioraffinerie de La Mède (13) et dans son usine d’Oudalle (76). Le tout sans qu’il soit nécessaire de s’appuyer sur l’utilisation d’autres sources d’huile vierge végétale.
Pour Air France, Airbus, Total et ADP, il s’agit bien entendu de montrer leur volontarisme et le potentiel technologique 100% français dans la décarbonation du trafic aérien.
Une petite révolution car, outre l’impact notable de la production et de la consommation de ce nouveau biocarburant sur l’environnement, il ne nécessite aucune modification sur les appareils ou les infrastructures de stockage. C’est la raison pour laquelle Total a prévu de se lancer dès 2024 dans la production massive de ces biocarburants aériens durables. Une alternative saine et viable à moyen terme qui supplanterait le très polluant kérozène.
De son côté, Airbus travaille au développement et à la certification en vol d’avions de ligne fonctionnant à 100% de biocarburant aérien durable.
Enfin, le groupe Air France – KLM, quant à lui, a promis par la voix de son directeur général Benjamin Smith de continuer à développer les biocarburants pour « réduire de 50% les émissions de CO2 par passager/km d’ici 2030 ».
Des actes pour combattre un « plane-bashing » galopant…
Néanmoins, il faut rester lucide. Il serait candide d’imaginer la flotte aérienne mondiale passer intégralement aux biocarburants avant plusieurs décennies. Mais les lignes sont en train de bouger.
D’une part, parce que les différents accords environnementaux ont engagé les États à agir.
Mais aussi parce que les mobilisations nationales commencent à férocement rappeler à certains leurs positions parfois paradoxales.
Ainsi, alors que l’État français versait 7 milliards d’euros à Air France – KLM pour « éponger » les pertes de la pandémie, la compagnie s’empressait de réinvestir une partie de l’aide dans les lignes intérieures. Des axes jugés non seulement hautement polluants mais surtout remplaçables par d’autres modes comme le train. Une problématique mise en lumière par la Convention Citoyenne pour le climat, mais qui a nécessité une forte mobilisation citoyenne pour qu’une loi supprimant une partie des vols intérieurs puisse être votée à l’Assemblée Nationale en avril.
Quoi qu’il en soit, les compagnies aériennes se voient contraintes d’évoluer. Déjà fortement décriées par la prise de conscience environnementale mondiale, elles sont aujourd’hui dans l’oeil du cyclone et marquées de près. Le « plane bashing » bat son plein. Le voyage aérien n’est plus en odeur de sainteté, y compris auprès d’entreprises qui en usaient et en abusaient avant la crise.
Dans l’opinion publique, si « l’envie de partir loin » va rapidement reprendre le dessus et sans doute entamer le « Flygskam », le sentiment de culpabilité de prendre l’avion, plus rien ne sera vraiment comme avant. De fait, le « monde d’après » qu’on nous promet depuis plus d’un an risque, pour le coup, de bel et bien exister pour les compagnies aériennes. Et de leur être fatal.
… et les effets du réchauffement climatique !
En réalité, un autre constat écologique alarmant pousse sans doute les compagnies aériennes à se convertir très vite à l’éco-responsabilité. Car le réchauffement climatique auquel il participe activement risque aussi de durement impacter le transport aérien !
Que ce soit les inondations des aéroports en bord de mer dues à l’élévation du niveau de la mer, la réduction de la portance des avions du fait de la récurrence de températures extrêmes ou encore l’augmentation des temps de voyage et des turbulences du fait de l’accroissement de la vitesse des jet streams… Autant d’effets pervers dont on ne parle jamais mais qui doivent convaincre les plus grandes compagnies aériennes qu’il faut enfin virer de bord.
Ne rien faire se résumerait à foncer tête baissée dans un troupeau de cumulonimbus bien sombres.
Alors bravo à Air France – KLM pour ce premier vol, mais qu’il ne soit que le début de la suite…