Vous êtes affecté(e) par les récentes mesures du couvre-feu ? Ou plus largement par une période anxiogène où isolement et respect des distances nous éloignent un peu de tout ? Une récente et passionnante étude de l’Université d’Exeter (Grande-Bretagne) démontre qu’on peut lutter contre l’ennui, la tristesse et réduire nos émotions négatives en regardant la nature en réalité virtuelle.
La nature comme baume pour nos émotions
La science a déjà prouvé que le contact avec la nature améliorait considérablement notre humeur, notre santé et nos conditions de vie. Malheureusement, l’éprouvante période que nous traversons tous, à des degrés divers, ne nous permet pas toujours ce luxe.
Ainsi, la pandémie et ses conséquences ont rendu cet accès direct à la nature encore plus compliqué. Il est même impossible pour certaines parties de la population comme les personnes âgées ou hospitalisées.
Évidemment, en ces temps troubles, ce sont les émotions négatives qui dominent. De fait, l’incertitude, la morosité, la tristesse, le désespoir ou l’ennui nous grignotent.
Le Centre Européen pour l’environnement et la santé humaine de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), a récemment publié une passionnante étude dans le Journal de Psychologie Environnementale. Elle arrive à la conclusion que regarder des images d’espaces naturels peut avoir un impact positif et décisif sur notre humeur.
Que ces images soient réelles ou virtuelles…
Une étude sur l’efficacité des représentations de la nature et de leurs canaux de diffusion sur nos émotions
Cette étude en laboratoire a exploré l’exposition de 96 sujets à 3 modes de diffusion d’images de la nature, ainsi que leur impact sur les affects négatifs (y compris l’ennui).
Ces 96 participants volontaires, âgés de plus de 18 ans et issus du grand public, ont été « travaillés » en deux temps.
Tout d’abord, ils ont subi une stimulation à l’ennui, avec la diffusion d’un film d’entreprise de 4 mn particulièrement barbant.
Ensuite, ils ont été affectés aléatoirement à trois modes différents de diffusion d’un film de 5 minutes représentant un récif coralien, peuplé de poissons colorés et d’une tortue :
- La diffusion sur une télévision HD 2D d’un extrait du film « Blue Planet II »
- La diffusion 360° par masque VR (Réalité Virtuelle) d’un extrait du film « Blue Planet II »
- La participation au jeu vidéo contemplatif 360° en VR (Réalité Virtuelle) « TheBlu : The Reef Migration »
Si les illustrations sonores étaient sensiblement les mêmes, l’implication et l’immersion du sujet étaient fondamentalement différentes selon le canal de diffusion.
La télévision, support déjà beaucoup utilisé dans les établissements de santé, ne conférait au sujet qu’un statut de spectateur, dans un dispositif frontal.
La diffusion 360° via le masque VR lui permettait d’être au coeur de l’image, dans une immersion quasi-totale, même s’il devait rester assis. Ses mouvements de tête lui permettaient d’explorer l’ensemble de ce qu’il voyait.
Le jeu 360° en réalité virtuelle (VR) permettait au sujet d’explorer visuellement l’univers qui lui était offert, mais aussi de s’y déplacer et d’interagir avec – par exemple – les poissons.
« Nature + réalité virtuelle » au secours de notre positivisme
En réalité, le potentiel curatif des représentations numériques de Dame Nature a déjà été largement étudié depuis le début des années 2000. Regarder des images liées à la nature offre toujours des vertus réparatrices, à plus ou moins grande échelle. Que ce soit par le biais d’images fixes ou de projections de vidéos à travers différentes tailles d’écran, .
Cependant, l’ensemble de ces formes naturelles simulées restaient limitées dans leur capacité à véritablement représenter les environnements naturels. Ce qui explique pourquoi les résultats restaient en deçà d’un rapport direct et réel à la nature.
La véritable nouveauté de l’étude de l’Université d’Exeter était donc d’inclure l’immersivité quasi-extrême de la réalité virtuelle.
Les résultats déterminent que les trois diffusions ont considérablement réduit l’ennui et l’affect négatif chez les sujets. Toutefois, la réalité virtuelle a eu un impact bien plus important, parce que beaucoup plus immersif.
De plus, les casques VR, très englobants, ont la capacité d’isoler complètement les sujets de leur environnement immédiat. Ainsi, ils les immergent pleinement, sensitivement et spatialement dans l’univers naturel simulé.
Autre constatation : plus l’appareillage est léger et plus l’impact sur les affects est efficace.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que, dès 2017, des études avaient déjà démontré les vertus de la VR sur le moral de patients hospitalisés. Mais aucune n’avait réellement tenu compte de l’importance du contenu.
Or, l’étude de l’Université d’Exeter est, de fait, la première expérience à démontrer les vertus de la projection d’images de nature en réalité virtuelle sur la santé mentale et le bien-être des sujets.
Une connectivité privilégiée et un effet bienfaiteur sur les émotions qui s’expliqueraient, en cette période anxiogène, par un besoin croissant de connexion et par un fort sentiment d’appartenance à la nature.
Des applications possibles dans les établissements de santé
Les résultats obtenus pourraient ainsi ouvrir des voies d’application dans les établissements de santé, surtout en ces temps de pandémie et d’isolement. En dosant savamment l’accès des patients à ces « voyages immobiles » (afin d’éviter l’accoutumance), on pourrait influer directement sur leurs émotions, et transformer positivement leurs affects.
Toutefois, il semble sage de relativiser l’accès à la technologie.
La lourdeur d’installation et le coût du dispositif du jeu VR ne permettent pas encore un équipement systématique et massif des établissements. Mais des masques VR, aujourd’hui accessibles pour 30 € dans le commerce, couplés à des smartphones, pourraient déjà être un début de solution.
Quoi qu’il en soit, la nature, qu’elle soit virtuelle ou pas, reste pour tous un accès possible vers la sérénité et l’optimisme. Faute de mieux pour le moment…