En Espagne, une association est prête à tordre le cou à une tradition ancestrale en ouvrant une école pour former des bergères, pour lutter contre le dépeuplement des zones rurales.
En Espagne, des campagnes désertées
Le désertification des zones rurales est une cruelle et alarmante réalité à laquelle est confrontée l’Espagne depuis de nombreuses années maintenant.
Si le pays a connu une urbanisation tardive, le dépeuplement des zones rurales a frappé le pays de manière brusque, envoyant les générations successives dans les grandes villes ou sur les côtes. A tel point que la campagne espagnole connaît l’une des densités de population les plus faibles d’Europe, au même titre que la Scandinavie ou l’Écosse.
Villages fantômes car entièrement abandonnés, ou composé uniquement d’hommes vieillissants… Car ce sont majoritairement les femmes qui s’exilent vers les villes.
De fait, la situation rurale est particulièrement préoccupante chez nos amis ibères.
Certes, les gouvernements successifs avaient bien tenté d’endiguer l’hémorragie en repeuplant certaines zones en faisant appel à l’immigration. Mais l’absence ou la rareté de la gent féminine rendait l’affaire très compliquée.
Un excellent film signé Icíar Bollain, Flores de otro mundo (1999), traitait avec humour et brio de la problématique.
Une école de bergères pour lutter contre le dépeuplement des campagnes
L’enjeu était donc de non seulement garder les jeunes femmes issues du milieu rural, mais aussi être en capacité d’attirer les éléments féminins urbains des générations Y et Z qui, comme un peu partout dans le monde, voient leurs envies d’un retour à la nature et à la campagne boostées par la période que nous traversons.
C’est pourquoi l’Association Espagnole contre le Dépeuplement a pris le taureau par les cornes, a décidé de tordre le cou à des traditions ancestrales pour ouvrir, en Cantabrie (nord de l’Espagne), une école uniquement dédiée aux femmes. Une école où elles apprendront à devenir… bergères : l’École des Bergères du XXIe siècle (Escuela de pastoras del siglo XXI) !
Autant dire que féminiser un métier longtemps et traditionnellement dominé par les hommes est une véritable révolution culturelle. Mais une entorse aux traditions plus que salutaire et vitale pour la survie des campagnes espagnoles.
Une école révolutionnaire où l’on apprendra à devenir « bergère » tout en restant « femme »
Pour la coordinatrice du projet, Susana Pacheco, s’il existe d’autres écoles où les femmes peuvent apprendre à devenir bergère, cette école reste pionnière en la matière dans la mesure où tout a été réfléchi « du point de vue des femmes ».
Ainsi, l’enseignement en ligne de neuf mois (non mais !) – soit près de 500 heures de cours – repose sur « un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, créant des réseaux d’entraide et de collaboration ». Ainsi, pour les sessions pratiques qui se dérouleront un week-end par mois dans les montagnes de Cantabrie, les « étudiantes » pourront par exemple amener leurs enfants pour ne pas les couper de leur rôle de mères.
En plus du rôle de bergère, les apprenantes suivront aussi des cours intensifs sur l’agriculture durable, sur les pratiques ancestrales du pastoralisme mais aussi sur les dernières avancées technologiques, comme l’utilisation des drones, par exemple.
Bref, l’École des Bergères du XXIe siècle leur apprendra surtout à devenir des entrepreneuses en milieu rural. Pour leur permettre de se créer une nouvelle vie profitable tout en redynamisant ces zones.
Bergère, un métier d’avenir en Espagne ? Et pourquoi pas ?
Si changer de vie vous tente, il est malheureusement trop tard pour la première session de l’école.
Alors que les inscriptions viennent de se terminer, près de 300 demandes ont été déposées auprès de l’Association Espagnole contre le Dépeuplement. Alors que l’école ne pourra retenir que 30 candidatures seulement pour cette première promotion.
Des inscriptions provenant aussi bien de l’Espagne continentale que des îles Canaries. Un succès que les responsables expliquent par l’épuisement de la vie urbaine et son stress, mais aussi par le besoin de nature provoqué par les confinements à répétition de la crise sanitaire.
De fait, ce projet pionnier et autonomisant soulève en tous cas un véritable espoir dans tout le pays. Car si cette formation amenait in fine des femmes, des couples et des familles à réinvestir les campagnes espagnoles, elle redonnerait vie à de superbes régions devenues sépulcrales au fil des décennies.
Quand on dit que la femme est l’avenir de l’homme, elle pourrait être aussi celui des campagnes espagnoles !