Les temps sont durs pour les grands messes auto-célébratives du cinéma. Après les Oscars, les Césars, les Golden Globes sont sommés par les professionnels du cinéma et de la télévision américains de mettre rapidement en oeuvre une profonde réforme ouvrant à la diversité… sous peine de se retrouver bien seuls pour leur cérémonie 2022.
Les professionnels du cinéma et de la télévision forcent les Golden Globes à se réformer
Les Golden Globes, créés en 1944, se présentent souvent comme « l’antichambre des Oscars ». Chaque année, on y consacre le gratin de l’audiovisuel américain. Les meilleurs films, séries télévisées, comédiens et consorts en une cérémonie souvent annonciatrices de petites statuettes dorées (comprendre d’Oscars) pour les récompensés. Très prisé et réputé, ce palmarès est organisé par l’Association de la Presse Étrangère (Hollywood Foreign Press Association, HFPA) où un jury international de 87 journalistes tout puissants, immuables, intouchables et craints comme la peste, élit les nominés et distribue les récompenses.
Seulement voilà, le jury des Golden Globes se révèle très peu représentatif de la société américaine (aucun membre n’est issu des minorités, par exemple), encore moins de la diversité des journalistes cinéma, et cela influe forcément sur celle des oeuvres exposées à cet événement planétaire.
Ajoutés à ces problèmes de diversité et de représentativité des soupçons avérés de racisme, de malversations et autres « petites combines entre amis » dénoncées par le journal Los Angeles Times, et le vent de la contestation souffle de plus en plus fort sur les magnifiques globes dorés qui leur servent de trophées.
Aussi, comme les Oscars avant eux, les Golden Globes se voient poussés à urgemment se réformer s’ils ne veulent pas se sentir bien seuls pour l’édition 2022. Une mobilisation sans précédent de stars, de studios et de diffuseurs majeurs tendrait à accélérer le processus.
Stars, annonceurs et distributeurs en première ligne de la contestation contre les Golden Globes
Si l’enquête du LA Times a permis de mettre à jour certaines pratiques et parti-pris d’exclusion de projets d’artistes afro-américains, elle dénonce aussi un « entre-soi » de plus en plus critiqué par la profession. Ainsi, suite au dossier du journal californien, les annonceurs ont été les premiers à montrer les dents, menaçant la HFPA de ne plus la suivre financièrement. Déjà un coup dur quand on sait que, même pour une telle célébration, l’argent reste le nerf de la guerre.
De même, ce sont les stars qui ont lancé la deuxième vague, Scarlett Johansson (Avengers, Black Widow) en tête. Même si elle avait eu les honneurs des Globes en 2004 pour son rôle dans Lost in Translation de Sofia Coppola, elle n’a cessé de critiquer depuis plusieurs années le manque de diversité de la HFPA. Mais surtout le sexisme des conférences de presse qu’elle organise en parallèle de la sortie des films… et auxquelles les stars doivent se soumettre sous peine d’être ostracisées pour la cérémonie ! Ce week-end, c’est par un communiqué qu’elle a invité « ses collègues à prendre leurs distances » avec la HFPA.
Dans la foulée, son comparse Mark Ruffalo, récent lauréat pour son extraordinaire interprétation dans la série I Kown This Much is True (2020), a déclaré ne pas pouvoir « se sentir fier et heureux d’avoir été récompensé cette année » si les Golden Globes ne se soumettaient pas à une profonde réforme.
Si Helene Pompeo, actrice principale de la série culte Grey’s Anatomy, y est allée aussi de sa lettre de protestation, c’est sans conteste le geste de l’un des acteurs les plus influents d’Hollywood qui a marqué les esprits. En effet, Tom Cruise, récompensé à 3 reprises au cours de sa carrière, a retourné ses trophées au bureau de la HFPA en signe de protestation.
Les distributeurs, tout puissants, tournent le dos aux pratiques de la HFPA
Enfin, en plus des comédiens, les distributeurs ont également fortement exprimé leur méfiance envers l’organisation. Ainsi, ceux que l’on considère aujourd’hui comme les nouveaux maîtres de l’audiovisuel mondial (Netflix, Amazon et Disney) ont indiqué qu’ils prenaient officiellement leurs distances avec la HFPA. Une position qui ne bougerait pas tant qu’elle ne se réformerait pas en profondeur. Dans le même élan, la Warner (rachetée par Disney en mars 2021) conclut même son communiqué par un cinglant « nous avons suffisamment toléré ce genre de comportement ».
Dur réveil pour la pseudo-toute-puissance des très « WASP » Golden Globes.
Des promesses de réforme jugées insuffisantes et qui menacent l’édition 2022
En réponse à cette vague de contestation, la HFPA a immédiatement annoncé un calendrier de réforme avec, notamment, le recrutement d’un responsable de la diversité et de l’équité pour s’assurer de l’honnêteté intellectuelle de l’organisation. Avouez qu’on croie quand même rêver…
Les organisateurs des Golden Globes annoncent également être à la recherche de 20 nouveaux membres d’ici 2022. Avec la promesse d’un renouvellement du jury de 50% d’ici 2 ans !
Des promesses jugées tellement insuffisantes et intenables qu’elles ont amené la chaîne NBC et ses 60 millions de dollars de droits de diffusion à se retirer de l’édition 2022. Même si le diffuseur historique des Golden Globes garde « bon espoir de diffuser le spectacle en janvier 2023 », il met quand même grandement en doute la capacité de l’organisation à honorer ses projets de réforme d’ici 2022. On appelle ça « mettre la pression », non ?
Bref, il est clair que les temps changent. Que même de vieilles institutions claniques et conservatrices comme les Oscars, les Golden Globes ou – plus proches de nous – les Cesars, se doivent de mieux correspondre à la diversité. Celle de ceux qui la nourrissent (les spectateurs) et de ceux qui en vivent (les professionnels). Pour le respect de toutes et tous…
Le vent souffle fort contre les Golden Globes. Vont-ils tomber ou en profiter pour s’envoler vers une nouvelle ère ?