Mis à l’arrêt et au ban des « biens non essentiels », les arts et la culture sont obligés de se réinventer voire de se camoufler pour atteindre encore le public. C’est le cas la Galleria Continua à Paris qui, pour pouvoir présenter ses oeuvres, doit se donner des airs d’épicerie.
Les Arts aux arrêts
Jugés « non essentiels » par le gouvernement donc voués à la fermeture administrative, tous les lieux culturels sont fermés depuis plus de 3 mois maintenant. La faute à ce fichu virus qui serait a priori tellement plus virulent dans un cinéma que dans des métros bondés. Ou encore dans des grandes surfaces devenues par défaut destinations de rêve pour un week-end sous COVID-19…
Si cette mise aux arrêts des arts et de la culture met en grave danger toute une filière professionnelle, elle coupe aussi le public de ces bulles d’air qui divertissent, nourrissent les imaginaires, entretiennent l’espoir et enrichissent l’humain. Et il aura peut-être fallu cela pour que l’on se rende compte que la culture est affaire de rencontres et de contextes. Donc de lien social.
La Culture condamnée à se réinventer
Alors certes, les plus optimistes diront que cela a permis au monde de la Culture de se réinventer.
Les théâtreux jouent devant une salle vide des pièces que seuls les canaux de streaming diffusent. Tout comme les musiciens offrent à leurs fans des lives sur Facebook ou Instagram. De même, les films que l’on ne peut plus voir au cinéma trouveront à sortir sur Netflix, Disney +, Canal+ à la demande ou Amazon TV… La belle affaire !
Certes, « c’est toujours mieux que rien » nous assèneront les mêmes optimistes, et ils n’auront pas tort. Mais si notre ère technologique nous permet aujourd’hui de visiter virtuellement le RijksMuseum d’Amsterdam, le MoMa de New York ou le Louvre, il n’en reste pas moins que nous avons perdu le contact. Avec les oeuvres, mais aussi avec ceux qui partagent le même intérêt que nous.
La Galleria Continua se camoufle pour contourner l’interdit et redevenir essentielle
Si des artistes comme le prodigieux violoniste Renaud Capuçon ont choisi d’aller jouer dans des grands surface pour garder le contact avec le public et le sensibiliser à la détresse de la filière, si des troupes de théâtre ont pris le parti d’aller jouer dans les écoles pour « donner le goût » au jeune public, les restrictions agissent comme un véritable noeud coulant autour des différentes structures artistiques du pays.
Pour continuer à exister, il faut faire plus que se réinventer, il faut être malin et contourner les interdits pour redevenir « essentiel ».
C’est ce qu’a fait la Galleria Continua, galerie d’art contemporain située entre le Centre Pompidou et le Musée Picasso, dans Le Marais à Paris. Afin de contourner les arrêtés et la notion lapidaire d’ « essentiel / non essentiel », les 3 fondateurs de la franchise (Mario Christiani, Lorenzo Fiaschi et Maurizio Rigillo) ont récemment ouvert une galerie d’art contemporain… qui fait aussi office d’épicerie ! Rejoignant ainsi la liste des commerces essentiels.
Si la Galleria Continua est née en Toscane, en Italie, pour s’implanter ensuite à Pékin, aux Moulins (dans la campagne parisienne), à La Havane, à Rome puis à São Paulo, la nouvelle galerie-épicerie au 87 rue du Temple, dans le 3e arrondissement de Paris, pourrait être considérée comme une fille de l’art contraint en période de COVID-19.
Un lieu pour se décomplexer avec l’art contemporain… et faire ses courses !
Mélangeant habilement l’apparente respectabilité d’une épicerie essentielle, la Galleria Continua parisienne vous permet aussi de jouir de l’accès non essentiel à des oeuvres d’art étonnantes.
Ainsi, à peine entré(e) dans la galerie, votre panier de supérette à la main, que vous vous retrouvez propulsé(s) au coeur des « Trois Grâces » du renommé artiste italien Michelangelo Pistoletto. Une oeuvre à plus de 500 000 € encadrée par des paquets de café, des bouteilles de vin ou de bière ou des boîtes de conserve !
Pour l’ouverture de la galerie, c’est l’artiste parisien JR qui a eu l’insigne honneur d’être le commissaire de cette exposition de résistance, « Truc à faire », dans un drôle d’endroit à une drôle de période.
L’occasion en tous cas, comme le confiait Giusy Ragosa (directrice de la galerie) à France Inter, de « créer un espace de partage où l’on peut avoir accès à la culture et où les gens peuvent se rencontrer dans un contexte de pandémie ».
Un lieu et un cadre insolites, certes, mais comme en conclut Giusy Ragosa, « une épicerie aujourd’hui, c’est un lieu qui est classé comme essentiel et dans cette essentialité, il faut rencontrer la culture ».
Pour information, les visites et les courses à la Galleria Continua de Paris se font du mardi au samedi, de 10h à 17h (réservations conseillées les mardis et mercredis, obligatoires du jeudi au samedi).