Les temps changent, et il était grand temps. Ainsi, 800 footballeurs allemands s’engagent dans une campagne contre l’homophobie dans le football. Parallèlement, Péter Gulácsi, gardien de but de la sélection hongroise, défie le président Orban en se déclarant favorable à l’adoption par les couples LGBT+.
800 footballeurs allemands dénoncent l’homophobie dans le football
Dans la série « Les footballeurs s’engagent », une mobilisation solidaire et exemplaire nous vient d’Allemagne et de Hongrie.
Si, en France, la lutte contre l’homophobie fait toujours l’objet de campagnes plus ou moins marquées par la Ligue de Football Professionnel, elle reste plus souvent un voeu pieux qu’un véritable cheval de bataille. Et ce sont la plupart du temps des actions qui vise plus les comportements en tribunes que le milieu sportif proprement dit.
En tous cas, jamais nous n’avons connu dans notre pays la mobilisation qui vient de réunir Outre-Rhin, à l’initiative du magazine sportif 11 Freunde, les 800 joueuses et joueurs professionnels allemands de football signataires d’une tribune appelant à lutter contre l’homophobie dans le milieu du ballon rond.
Une tribune dans laquelle ils clament que « nous sommes en 2021 et il n’y a toujours aucun joueur de football professionnel ouvertement gay en Allemagne ». Ajoutant que « Personne ne devrait être amené à faire son coming-out, qui doit rester un choix libre et individuel ». Concluant en proclamant « tout [leur] soutien et [leur] solidarité à quiconque souhaite le faire. »
Et les signataires de poser en photo avec une pancarte promettant « Vous pouvez compter sur nous », comme les légendaires Christian Gentner (photo) et Max Kruse, coéquipiers à l’Union Berlin.
Une très belle mobilisation à laquelle il est toutefois regrettable que deux des plus grands clubs de Bundesliga (et d’Europe) n’aient pas souhaité s’associer : Le Bayern Munich et le Bayer Leverkusen.
L’homophobie, l’un des pires tabous dans le football
C’est en tous cas une belle action coup de poing contre l’un des pires tabous du football, surtout masculin.
Et rares sont les joueurs de football dans le monde à avoir fait leurs coming-outs, qui plus est en activité.
Et quand on se souvient du cas de Justin Fashanu, footballeur anglais ayant révélé son homosexualité en 1990, on peut comprendre pourquoi. Son coming-out intervenant alors qu’il était encore joueur, il fut immédiatement rejeté par le milieu du football, y compris par son frère – également footballeur – et le reste de sa famille. Mis au ban de sa passion, il se suicidait 8 ans plus tard.
Mais les temps – et les mentalités – ont changé… Et 28 ans après le coming-out de Justin Fashanu, c’est un joueur américain, Collin Martin, qui était acclamé par son public de Minnesota au moment d’entrer en jeu, 5 jours après avoir révélé son homosexualité sur les réseaux sociaux.
A ce jour, il semblerait que seuls 8 joueurs dans le monde aient eu le courage d’affirmer leur homosexualité. Une tendance qu’explique Philip Lahm, joueur emblématique du Bayern Munich et ancien capitaine de la sélection allemande, dans son autobiographie à paraître.
Dans celle-ci, il conseille au contraire de ne rien révéler tant qu’un joueur est en activité, car « vous ne pourrez pas compter sur le même niveau de maturité chez chacun de vos adversaires ou dans les stades où vous évoluerez ».
Les temps changent, mais les mentalités évoluent encore lentement dans un milieu macho, où il est d’abord important de s’imposer physiquement avant de faire valoir son talent. Et où la différence peut être utilisée comme une faiblesse par l’adversaire…
D’où le bel appel d’air frais de la campagne de 11 Freunde ! Mais d’autres encore se mobilisent !
Péter Gulácsi, un gardien de but hongrois à l’attaque de l’homophobie
S’il joue aussi en Allemagne, au RB Leipzig, le gardien de but hongrois Péter Gulácsi a plutôt choisi de tacler sur son terrain national, en s’en prenant directement à la politique de son président Viktor Orban. Un conservateur haut en couleurs et pas piqué des hannetons et qui, depuis son arrivée à la tête du pays en 2010, a ramené l’un des pays les plus progressistes d’Europe 50 ans en arrière.
Jouissant d’une forte popularité dans son pays, le gardien de but de la sélection hongroise s’en est purement et simplement pris à une réforme constitutionnelle votée en décembre et empêchant les couples de même sexe d’adopter. Les couples homosexuels n’ayant pas le droit de s’unir en Hongrie, le gouvernement d’Orban a conditionné l’adoption aux seuls couples mariés.
Péter Gulácsi et sa femme ont donc affiché leur soutien aux couples homosexuels sur Facebook, où ils ont scandé que « tout le monde a droit à l’égalité », rappelant que « chaque enfant a le droit de grandir dans une famille heureuse, quel que soit le genre, la couleur ou la religion de ceux et de celles qui la composent ».
Une prise de position qui compte et qui a fait réagir puisque, depuis le mardi 23 février, date de parution de son post, Péter Gulácsi a déclenché plus de 42 000 réactions positives… mais aussi plus de 5 000 réactions hostiles !
Une partie encore longue à jouer, mais que l’on peut gagner en prolongation
La preuve que le combat pour la tolérance et l’acceptation de chacun risque d’être encore long… Mais preuve aussi que, en dépit de leur célébrité et du confort de leurs vies, les footballeurs s’engagent de plus en plus dans les questions sociétales. Et forts de leur popularité et du potentiel de prescription dont ils jouissent, ils peuvent faire bouger les lignes.
Et ça, c’est une sacrée bonne nouvelle pour mettre l’intolérance, l’homophobie et le racisme hors-jeu !