Importé du Danemark au début des années 2000, le concept de « bibliothèque humaine » permet de consulter non pas des livres de papier, mais des hommes et des femmes qui, le temps d’une conversation, vous livrent leurs histoires et leurs expériences. Un magnifique projet qui permet de faire tomber les préjugés et les discriminations.
Une bibliothèque humaine pour lutter contre la haine et les discriminations
Il y a quelques jours, nous évoquions l’action de la municipalité d’Amsterdam qui, pour lutter contre le racisme, avait décidé de distribuer gratuitement un livre sur le passé esclavagiste de la ville. Si le livre est évidemment un excellent vecteur pour raconter une histoire et nous amener à nous pencher sur ce que l’on croit savoir, il en est un autre encore plus efficace : la relation humaine.
C’est ainsi qu’est né en 2000, à Copenhague au Danemark, le concept original de « bibliothèque humaine ». Germé dans la tête de deux frères, Ronny et Dany Abergel, et de leurs amis Asma Mouna et Christoffer Erichsen.
Ils voulaient créer, à l’instar des bibliothèques, un espace où les lecteurs pouvaient « emprunter » une personne réelle pour être un livre ouvert. Que ce soient les difficultés qu’elle avait rencontrées, ses joies et ses peines, elle s’offre à son « lecteur » pour se livrer sur sa vie et interagir avec des personnes qu’elle n’aurait normalement pas la chance de rencontrer.
Projet de lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, la bibliothèque humaine propose surtout aux lecteurs la possibilité de faire face à leurs idées reçues, le temps d’une conversation…
Des livres humains au programme des préjugés de notre société
Comme le présente la librairie humaine, « chaque livre humain de notre bibliothèque représente un groupe dans notre société qui est souvent soumis à des préjugés, à la stigmatisation ou à la discrimination en raison de son mode de vie, de son diagnostic, de ses croyances, de son handicap, de son statut social, de son origine ethnique, etc. »
Ainsi, les livres humains sont des bénévoles qui ont une histoire à raconter, une expérience à transmettre. Ils répondent tous à un titre qu’ils ont eux-mêmes choisis. Musulmane mais pas terroriste, Noire et fière de l’être, Ex-toxicomane, Enfant-place… mère indigne ?, Petite-fille de nazis, Dyslexique…
Autant de « titres » qui permettent, par le biais des histoires racontées, de tordre le cou aux stéréotypes, aux préjugés et autres idées reçues.
La proximité et l’intimité, des facteurs favorables à l’ouverture
Si un titre nous intéresse, on peut alors s’asseoir et échanger pendant une demi-heure voire une heure avec la personne.
Aujourd’hui, plusieurs milliers de personnes sont devenus accros à la bibliothèque humaine, dont la transmission d’expérience est évidement plus marquante et interactive qu’avec un livre ou un reportage télé.
De plus, le fait de ne rencontrer qu’une personne qui se livre permet de déconstruire le préjugé de groupe. Ainsi, si l’on peut haïr un groupe de personnes, il est plus difficile de haïr une personne qui se confie tout en étant amicale et ouverte. La rencontre et la découverte se font hors des stéréotypes pour se focaliser sur le point central : l’humain.
Le face à face, en mode confidentiel et intime, fait tomber les non-dits et les réticences, et libère assez miraculeusement les gens qui n’ont plus peur de se livrer, y compris au niveau des sentiments. Ces derniers leur permettent alors de passer outre les préjugés en libérant l’empathie, la reconnaissance et la solidarité.
Il ne s’agit pas de convaincre, mais de comprendre.
La bibliothèque humaine existe aujourd’hui dans 80 pays, sur 5 continents. Si, en France, la bibliothèque humaine se tient à l’Espace Culturel de Toulouse, elle participe toutefois à de nombreux événements dans toute la France.
En attendant que d’autres villes ouvrent, elles aussi, leurs bibliothèques de livres vivants…